Interview radio à propos de Martin Corey

Interview de Jim McIllmurray à propos de son ami Martin Corey, sur les ondes de la radio Source FM de Falmouth, en Cornouailles.

Nous avons couvert les cas de plusieurs personnes qui ont été emprisonnées sans procès ni accusation. En abordant la question de Marian Price, nous avons découvert aussi celle de M. Corey. Nous sommes heureux de pouvoir en parler avec vous. Nous avons appris que vous êtes ami depuis longtemps avec M. Corey?

Oui, en effet.

J’ai entendu dire qu’il était à la prison de Maghaberry, un endroit terrible. Notre ami Chuck McLaughlin, aujourd’hui décédé, avait fait campagne en Amérique et ici pour dénoncer cet endroit abominable. Comment M. Corey est-il arrivé là-bas?

Il est arrivé à Maghaberry le 16 avril 2010, il est emprisonné depuis deux ans et trois mois.

Et cela sans être accusé de quoi que ce soit, et d’après ce que je sais, contre la décision d’un juge?

Il y a deux ans, on a frappé à sa porte vers 7h30 du matin, c’était deux membres de la Special Branch [renseignements généraux] du PSNI, ils l’ont emmené au commissariat de Lurgan, il n’a pas eu connaissance du mandat contre lui, puis il a été transféré à la prison de Maghaberry. Martin avait été condamné à une peine de prison à vie en 1973, puis le secrétaire d’Etat à l’Irlande du Nord a révoqué sa libération conditionnelle. Il avait été libéré en 1992.

Puis il avait trouvé un travail?

Oui. Mais il ne sait pas de quoi il est accusé. S’il avait violé les termes de sa libération conditionnelle, il ne l’aurait pas contesté. C’est une personne qui aurait accepté sa peine. Mais il n’a absolument rien fait.

Pourtant il avait purgé sa peine…

Oui, il avait passé 19 ans en prison.

Il a fait 19 ans en prison, a été libéré en 92, a refait sa vie, trouvé un travail, puis il est de nouveau incarcéré sans accusation!

Apparemment, il va repasser au tribunal le 28 septembre. En août dernier, il y a eu un examen judiciaire de son cas. Nous n’étions pas d’accord avec le rendu. Il s’agissait tout simplement de ranger l’affaire dans un coin en déclarant que la détention de Martin continuerait.

Ce que vous appelleriez ‘un coup de tampon bureaucratique’ j’imagine?

Oui, je n’étais pas présent à l’audience, aucun d’entre nous n’était présent. Martin a reçu une note sur un papier qui disait que sa demande de libération conditionnelle avait été refusée. Par conséquent, nous avons fait appel en portant l’affaire au Tribunal un cran au-dessus. Les audiences ont eu lieu entre avril et mai de cette année. Le juge qui s’occupait de l’affaire, Seamus Treacy, est le juge le plus renommé dans le Nord de l’Irlande pour ce qui concerne les affaires liées aux droits de l’homme, d’ailleurs il été juge à la cour européenne des droits de l’homme à Strasbourg. Les délibérations sur le cas de Martin ont duré sept semaines, et il y a quelques semaines le juge a décidé que Martin devait être libéré immédiatement, étant donné qu’il y avait eu violation des droits de l’homme, en vertu de l’article 5.4 [de la convention européenne des droits de l’homme]. J’ai pu parler à Martin à l’issue du verdict, j’ai téléphoné à sa famille, ils étaient ravis. Nous somme allés à la prison, nous avons attendu quatre heures. Mais pendant ce temps-là, le Secrétaire d’Etat avait travaillé en coulisses pour mettre son veto sur la libération de Martin.

Mais comment se fait-il qu’un secrétaire d’Etat puisse passer outre la décision d’un juge?

Ah ça c’est une question! Eh bien, le 10 et le 11 juillet de cette année nous étions au tribunal, le procureur a dit que le secrétaire d’Etat n’avait pas le droit de passer outre les décisions judiciaires, mais le procureur général Sir Declan Morgan a dit le 11 juillet au tribunal de Belfast que le secrétaire d’Etat avait le droit d’outrepasser la décision d’un juge.

Comme dans une dictature où un ministre peut outrepasser la loi?

On s’attend à ces choses dans certains pays du tiers-monde, que le gouvernement britannique est le premier à critiquer. Il y a quelques semaines David Cameron a accueilli cette dame qui avait été assignée à résidence [il s’agit de Aung San Suu Kyi], et il y a plusieurs affaires en Chine dont ils parlent en ce moment, mais regardons plutôt ce qui se passe ici avec les droits de l’homme.

Absolument. Ce que je ne comprends pas c’est le système politique au Nord de l’Irlande. Vous êtes dirigés par le gouvernement d’une l’assemblée [Stormont], vous votez pour des politiciens qui participent à ce gouvernement, mais le secrétaire d’Etat à Londres n’a aucun compte à rendre à personne dans le Nord de l’Irlande, n’est-ce pas?

Beaucoup de gens ont l’impression que l’assemblée de Stormont possède tous les pouvoirs, et avec ce qui se passe en ce moment en Ecosse qui cherche son indépendance, beaucoup de gens croient que posséder ce genre d’assemblée signifie avoir le pouvoir de contrôler leur gouvernement, leur peuple, mais ce n’est pas le cas. Quand le secrétaire d’Etat peut arriver et annuler n’importe quelle décision faite par le pouvoir judiciaire, vraiment, cela veut tout dire. C’est incroyable, surtout s’agissant de ce juge qui a un tel background et un tel pedigree, qui prend une décision, et le secrétaire d’Etat qui était en vacances avec sa famille soudain ramène sa fraise et annule sa décision. Et ce juge n’a pas le droit de mettre en question la mise en question de sa décision.

C’est du colonialisme du 21è siècle. C’est tout à fait incroyable. Dites-moi, quel âge a Martin?

Il a 62 ans.

Est-il marié?

Non, il n’est pas marié.

A-t-il une famille, des proches?

Oui, il a une grande famille et une partenaire. Sa famille est tout à fait avec lui.

Sa famille vient le visiter?

Oh oui, régulièrement, toutes les semaines. Quand on a dit à Martin que le secrétaire d’Etat avait mis son veto sur sa libération, il nous a répondu : « J’ai appris à attendre peu, et souvent à accepter moins ».

Cette affaire va aller plus loin, il y aura une audience le 28 septembre. Mais qui va présider cette audience?

Je ne serai pas surpris que ça ne soit pas Treacy.

En théorie, ce malheureux pourrait encore passer des années dans cet affreux trou illégal de Maghaberry, jusqu’à sa mort?

Oui, cela a été dit par le procureur au tribunal en avril. Le juge Treacy disait au procureur: « cet homme a été emprisonne depuis deux ans » et le procureur l’a coupé ainsi : « mais sa libération conditionnelle a été abolie », alors le juge Treacy lui a demandé : « il pourrait alors rester en prison pour le restant de ses jours? » et le procureur lui a répondu : « En effet. »

Mon Dieu

Si au moins il y avait une accusation, nous pourrions la contester, mais c’est hors de question. J’ai écrit des lettres au secrétaire d’Etat, au ministre de l’intérieur,  à tout le monde, aux ministres de l’assemblée de Stormont. Ils manifestent leur compréhension, mais personne n’a le pouvoir d’annuler une décision du secrétaire d’Etat à l’Irlande du Nord. Je leur disais, s’il y a une accusation, dites-le nous et voyons cela. Mais on m’a répondu que c’était une affaire se rapportant à la sécurité nationale, et que ces choses ayant rapport à la sécurité nationale ne se discutaient pas.

Oh, nous avons déjà entendu ce genre d’ordure. C’est inacceptable. Cela arrive aussi en Angleterre, de plus en plus…

A mon avis, ils se servent de Martin pour faire un exemple. Et dans le cas de Marian [Price] c’est  pareil. Ils veulent parler aux plus âgés, en leur disant : si l’un d’entre vous hausse les épaules ou fréquente les mauvaises personnes, voilà comment vous allez finir. C’est pour faire passer ce message aux républicains plus âgés qui ont été engagés dans les décennies précédentes : si vous vous remettez avec ces gens que nous n’aimons pas, nous vous exclurons de la société. Voilà mon opinion.

Cela me fait penser aux gens qu’on a fait « disparaître » dans certains pays d’Amérique du Sud. Comment notre gouvernement, le gouvernement de Westminster peut-il violer ainsi des traités internationaux qu’il a signé! Depuis que nous parlons de ce problème, nous avons eu énormément de réponses de nos auditeurs. Nous leur avons dit d’écrire des lettres à leurs députés pour en parler. Mais je ne comprends toujours pas pourquoi un secrétaire d’Etat est autorisé à déjuger un juge, et en particulier celui-ci qui a été juge à la cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg. Comment M. Corey prend-il la chose? Est-ce que ça va?

Je l’ai au téléphone 5 jours par semaine. Je lui ai dit que j’allais passer à la radio avec vous, il était ravi, il vous salue et vous remercie. Il se porte bien, vous savez, c’est une personne très déterminée.

Sa santé mentale est sûrement sous une très forte pression, non?

Non je ne pense pas. Je le verrai si Martin était en danger d’une façon ou d’une autre. C’est quelqu’un de très solide. Il me dit que personne ne le brisera, parce qu’il est dans son bon droit, il n’a pas commis d’acte illégal. Ce qu’on lui reproche, je l’ai entendu pendant les audiences, c’est de fréquenter des républicains. Mais c’est ce que fait 20% de la population de cette zone.

Cela pourrait être nous!

Si vous voulez tout savoir, des noms de certaines personnes que Martin fréquente ont été lus lors des audiences. Le juge Treacy a demandé : « Est-ce que ces personnes ont été condamnées pour activité terroriste? » Et le procureur a répondu : « Non. » Le juge a dit : « Mais pourquoi mentionnez-vous leurs noms? ». Et le procureur a répondu : « Nous savons à quoi nous en tenir avec eux ». Alors c’est devenu assez risible. Puis le procureur s’est lancé dans des comparaisons. Il a parlé du rassemblement à Bodenstown. Bodenstown dans le comté de Kildare est un jardin commémoratif de la rébellion de 1798, qui rend hommage à Wolfe Tone, et le juge a dit que Martin avait été vu participer à cette commémoration. Or, tous les ministres du gouvernement du Sud de l’Irlande vont à cet endroit eux aussi, ce n’est certainement pas un rassemblement illégal. Mais à un moment donné, le procureur a comparé le rassemblement de Bodenstown à la mosquée de Finchley [à Londres]…

Je suis heureux qu’on parle de cela. Le gouvernement britannique outrepasse sûrement ses lois. Il devrait y avoir une enquête internationale à ce sujet…

Nous refusons d’aller à la cour suprême à Londres. Mais nous envisageons de porter l’affaire au niveau international, puisque nous avons épuisé toutes les possibilités légales ici.

Mais qu’en dit la presse nationale [en Grande-Bretagne] ? Les journaux de Londres ne parlent pas de ces questions, alors qu’elles sont substantielles?

Je ne veux pas sembler paranoïaque, mais je pense qu’il y a un black-out médiatique concerté, au sujet de Marian et de Martin. Ces sujets n’ont pas couverture médiatique. Au nord de l’Irlande, il y a le Irish Times qui a fait sa Une sur Martin Corey il n’y a pas longtemps. Il y a aussi un site internet : releasemartincorey.com. Je voudrais finir en vous citant le juge Treacy, il a dit : « Je juge une affaire avec deux types de preuves : les preuves accessibles, or il n’y en a aucune qui montre que Martin ait commis des actes illégaux. Et il y a les preuves non-accessibles, mais je n’y ai pas accès. » Dans ces conditions, pff, où cela va t-il s’arrêter? c’est ce que je me demande…

Et qui sera le prochain?

Oui, qui sera le prochain?

Merci infiniment. Sur notre radio, nous continuerons à surveiller et à parler du cas de M. Corey et bien sûr aussi de Marian Price. De plus en plus de gens disent que ce n’est pas juste, et en réalité ce n’est pas juste. Ce n’est pas juste. Merci encore d’être venu nous parler chez monsieur, et je vous souhaite le meilleur. Je dirai Erin Go bragh [« Irlande pour toujours », en irlandais]

Ah ah! Slán [salut, en irlandais]

Bonne chance!

Au revoir.

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Martin Corey
Maghaberry Prison,
Roe House,
Old Rd, Ballinderry Upper,
Lisburn,
County Antrim
BT28 2PT

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4 commentaires pour Interview radio à propos de Martin Corey

  1. Alain Monier dit :

    Les Anglais craignent t’ils les Republicains, dans ce cas ils ne respectent pas les lois internatonales. Ils ne craignent pas les republicains alors pourquoi s’acharner sur des militants inoffensifs, alors que cette methode ne donne jamais aucun resultat. On peut donc considerer qu’une guerre a toujours lieu et que les anglais ne sont pas tres confiants pour l’avenir economique ou Politique. Le Show Britannique des Jeux , une nostalgie criante ou alors une aprehension de leur devenir. Comme toujours beaucoup d’effets de scene

  2. Alain tu ne crois pas si bien dire, l’Etat britannnique harcèle non seulement les républicains authentiques, mais aussi ceux qui les soutiennent. Les services britanniques viennent de « rendre visite » à cette radio de Cornouailles qui a défendu Marian Price et Martin Corey

    Fionnuala Perry 10:51 PM, July 30, 2012

    Mackers,
    I was just told the evening, that the radio station in Cornwall that done the interview in relation to Martin Corey and a earlier one for Marian had a visit from MI5 and Special Branch.

    source : http://thepensivequill.am/2012/07/martin-corey-psychological-torture.html

  3. Alain Monier dit :

    Merci pour votre complement d’information. Cordialement Alain Monier

  4. peadar dit :

    photo prise à Sidney en Australie le 28 juillet

    libérez martin corey

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