La torture de Marian Price

Article écrit par Sandy Boyer, irlando-américain, paru le 30 mai dans la revue Counterpunch, au sujet du déni de justice et du calvaire carcéral subis par notre camarade Marian Price.

Marian Price est emprisonnée en Irlande du Nord depuis plus d’un an sur le fondement de preuves secrètes que ni elle ni ses avocats n’ont été autorisés à voir. Elle est internée sans procès ni accusation et sans date de libération en vue. A moins que les tribunaux n’interviennent, elle ne pourra être libérée que par ordre d’un ministre britannique, Owen Patterson, secrétaire d’Etat pour l’Irlande du Nord

Par-dessus les tribunaux

Par deux fois elle avait été arrêtée et déferrée devant un tribunal sans jury, et par deux fois le juge avait ordonné sa libération sous caution. Mais à chaque fois Owen Paterson a émis un avis contraire au juge et a ordonné son retour en prison. Il a invoqué la révocation des termes de sa libération conditionnelle, en vertu de certaines « informations confidentielles » qui existaient contre elle. Ce type d’informations ne peut venir que du MI5.

En mai 2011, elle a été accusée d’« encourager le soutien à une organisation illégale » après avoir tenu le papier contenant une déclaration lue par un homme masqué. L’Irlande du Nord doit être l’un des rares endroits à tenir une feuille de papier constitue un crime.

Le 11 mai 2012, presque un an exactement après, ces accusations furent retirées, le gouvernement britannique ne pouvant produire de preuves. Mais Marian Price reste en prison. En juillet 2011, elle fut accusée de « procurer des biens en vue d’accomplir des actes terroristes ». Elle fut accusée d’avoir donné un téléphone portable à quelqu’un qui a participé à l’exécution de deux soldats britanniques. Elle avait déjà été interrogée à ce sujet et relâchée, 18 mois avant d’être accusée de cela. Son avocat, Peter Corrigan, a dit à la BBC qu’il n’y avait pas de nouvelles preuves contre elle.

Une grâce évanouissante

Cependant, Marian Price et son équipe juridique soulignèrent que son cas ne correspondait pas à la libération conditionnelle, puisque après avoir été condamnée pour des attentats à la bombe en Grande-Bretagne, elle avait été graciée à sa libération en 1980, après être passée très près des portes de la mort, atteinte qu’elle était d’une anorexia nervosa. Le gouvernement britannique explique aujourd’hui que le document de grâce « ne peut pas être trouvé », qu’il a été ou bien perdu ou bien détruit, et qu’aucune copie n’existe. Peter Corrigan a dit lors d’un meeting à Belfast que c’était la première fois dans toute l’histoire de cette institution du pardon royal [ Royal Prerogative of Mercy] qu’un document était porté disparu. A ce sujet, Mgr. Raymond Murray, propagandiste vétéran des droits de l’homme, a dit : « A vous de tirer vos conclusions ».

Sa santé et son bien-être sont préoccupants. Elle a été jugée incapable de se présenter au tribunal le 11 mai, même en téléconférence. Les médecins de la prison ont affirmé qu’elle devrait se trouver ou bien dans un hôpital ou bien chez elle avec sa famille. Elle est enfermée en cellule d’isolement carcéral depuis plus d’un an. Le rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture a recommandé l’interdiction de l’isolement carcéral pour une durée de plus de 15 jours.

La santé de Marian Price

Sa santé a subi des attaques irréparables depuis qu’elle a subi la nutrition forcée 400 fois alors qu’elle était en grève de la faim dans une prison britannique. Elle avait décrit la nutrition forcée dans une interview au journal dublinois The Village : « quatre matons t’attachent à la chaise avec des bandes si serrées que tu ne peux pas lutter. Tu serres les dents pour tenter de garder la bouche fermée, mais ils te mettent une espèce d’engin métallique autour de la mâchoire pour qu’elle reste ouverte. Puis ils accrochent une espèce de broche en bois avec un trou au milieu au niveau de la bouche. Puis ils insèrent un gros tube de caoutchouc là-dedans. Ils te tiennent la tête renversée. Tu ne peux ni parler ni bouger. Tu as peur de mourir suffoquée. »

Jerry McGlinchey, son mari, a dit lors d’une interview à Radio Free Eireann qu’il était « très très préoccupé » par sa santé. Il explique qu’elle ne s’est jamais vraiment remis de la nutrition forcée qui lui a donné la tuberculose qu’elle a dû traiter jusqu’en 2010. Son anorexie est revenue et elle souffre d’arthrite aiguë au point qu’elle  ne peut pas ouvrir sa main.

Jerry McGlinchey pense que son état de santé va empirer tant qu’elle sera en prison. Il a dit : « Ma crainte est que Marian ne sombre dans une profonde dépression dont elle mettrait des années à sortir. Je crois que c’est à cela que le gouvernement veut arriver. » Ses conditions d’incarcération ont contribué au déclin de sa santé. Des matons lui braquent leurs lampes-torches sur les yeux pendant la nuit. Des prisonniers protestants dans les cellules voisines chantent à tue-tête des chansons anti-catholiques toute la nuit, lui rendant le sommeil impossible.

Le soutien à Marian Price

Très peu de gens sont d’accord avec les thèses politiques de Marian Price. Elle est un républicaine irlandaise « dissidente » qui croit en la nécessité de la lutte armée pour mettre fin à la domination britannique. Néanmoins, la confédération des syndicats irlandais  [Irish Congress of Trade Unions] et deux partis nationalistes, Sinn Fein et le SDLP, ont appelé à sa libération.  Ce qui est en jeu est au-delà de son cas personnel et de ses positions politiques particulières. Bernadette Devlin-McAliskey a affirmé que son traitement est « un signal clair pour quiconque n’est pas ‘dans la ligne’ et ne pense pas comme le gouvernement : le dissensus ne sera pas toléré. Aucun dissensus ne sera toléré, et si l’on défie le statu quo, c’est à ses risques et périls. »

Source : ici.

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