A propos des bouchers de Shankill

Article du Belfast Telegraph datant de 1979, narrant l’arrestation et les aveux de Billy Moore, qui avait pris la place de Lenny Murphy à la tête des Bouchers de Shankill : un escadron de la mort qui a commis nombre d’atrocités et semé une grande terreur à Belfast, dans la deuxième partie des années 1970 .

Billy Moore transpirait, épuisé, tendu, il ne tenait pas en place. Ce n’était guère surprenant de la part de quelqu’un qui venait, quelques heures auparavant, de remuer ses méninges pervertis, tentant de s’extirper par des mensonges d’un récit si abominable qu’il l’effrayait lui-même. Il venait de reconnaître sa culpabilité, qu’il avait tranché la gorge de ces gens, qu’il était un des chefs du gang des Bouchers de Shankill. Lorsqu’au tout début, il avait été interrogé au sujet de ces meurtres, il avait dit à la police : « il doit y avoir quelque chose qui ne tourne pas rond dans la tête de ce bonhomme pour faire des choses pareilles ».

_51861535_butcher3williammoore_moorePar la suite, alors même lorsque le poids écrasant des preuves l’accablait, il se refusait à admettre sa culpabilité. Le stigmate était sans doute trop lourd. D’autres crimes, oui peut-être, mais pas les gorges tranchées. Mais c’était l’œuvre de Moore. Et le voilà, fait comme un rat, un homme brisé cherchant une épaule sur laquelle pleurer, aux antipodes du bandit sanglant qui rôdait dans les rues de Belfast avec ses hommes-liges pour attraper des catholiques et les charcuter à mort.

Ces meurtres abominables, ourdis depuis la jungle du monde souterrain des paramilitaires protestants, étaient barbares à l’extrême, à peine égalés par les meurtres inspirés par Charles Manson qui ont été commis en Amérique il y a quelques années. Mais au Royaume-Uni, il est douteux qu’il se soit produit des meurtres de ce genre depuis Jack l’Eventreur. Le spectacle de six catholiques innocents à la gorge tranchée, d’une oreille à l’autre pour certains, et d’un septième charcuté de partout à la hachette, a presque fait tourner de l’œil les inspecteurs. La boucherie a commencé lors d’une froide nuit de novembre il y a plus de trois ans, et s’est terminée en mai 1977, après qu’un catholique, laissé pour mort après avoir été saigné, a pu survivre et identifier ses bourreaux. Il s’agit des huit hommes dont les noms suivent.

« Big Sam » McAllister : un gangster à la langue bien pendue, qui avait l’habitude de se pavaner dans les bars loyalistes avec un pistolet à la ceinture et Benny « Pretty Boy » Edwards. Ironiquement, ces deux hommes ont été reconnus le jour des élections locales de mai 1977. Un autre tueur en série a été interpellé par la suite, il s’agit de Robert « Basher » Bates, qui organise désormais des groupes de prière dans son aile de prison. Cinq autres tueurs ont également été interpellés : Norman Waugh, un homme dont l’amour pour les pigeons n’a d’égal que sa haine des catholiques ; James « Tonto » Watt, artificier de l’UVF, qui faisait également partie du gang. Mais il n’a commis qu’un seul des meurtres en sa compagnie.

Il y avait aussi William Townsley, Artie McClay et Davy Bell. Et enfin il y avait Moore, chauffeur de black taxi improvisé et ancien employé dans la boucherie de Woodvale Road où il maniait le couteau. Presque tous ces hommes faisaient partie de l’organisation interdite UVF. Aux marges du gang, gravitaient Eddie Leckey, guitariste à mi-temps, et Eddie McIlwaine. Ni l’un ni l’autre n’ont été impliqués dans ces meurtres précis. Leckey a été condamné pour meurtre, et McIlwaine de kidnapping et de violences.

L’ordre de mener à bien les égorgements ne venait pas de la hiérarchie de l’UVF. La plupart des massacres ont été décidés à la table d’un bar. Il y eut aussi d’autres meurtres, délibérément sectaires [ethno-confessionnels]. Certains d’entre eux ne se sont pas passés comme prévu. Quatre protestants ont été tués dans deux attaques à l’arme automatique, l’une d’elle a ciblé une autre unité de l’UVF, avec qui Bates avait eu maille à partir. De vieux comptes se réglaient, montrant la haine qui pouvait exister à l’intérieur du monde de l’UVF. Le quartier général du gang était le Social club de Lawnbrook, près du mur de séparation qui jouxte Shankill. Ils faisaient la loi dans cet endroit, qui était autrefois considéré comme sympathique, en refoulant de force quiconque avait une tête qui ne leur revenait pas. C’est là que la plupart des égorgements ont été ourdis, au milieu des verres. Après avoir bu, ils s’enfonçaient au milieu de la nuit, dans les voitures de Moore, arpentant les rues de la ville en quête de victimes faciles. Leur slogan, avant de décoller, était « Allons se faire un Taig » [terme d’argot insultant signifiant : catholique].

Beaucoup de catholiques avaient été assassiné par des extrémistes protestants, dans l’intention d’effrayer l’IRA provisoire, mais peu d’entre eux, ou même aucun, n’avait été littéralement haché à mort, en tous cas de la façon dont procédaient ceux de l’UVF de Lawnbrook. Ils pensaient qu’en allant à l’extrême du macabre, ils pourraient forcer les Provos à arrêter leur campagne terroriste. C’est ainsi qu’ils sortirent leurs couteaux, et que les meurtres commençèrent.

Deric Henderson, The Belfast Telegraph, ‘Caught : the cut-throat killer squad’, 20 février 1979, p.12.

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